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Si le PS refuse le débat voulu par l’UMP sur l’islam et la laïcité, c’est pour ne pas "alimenter des peurs" qui font le jeu de l’extrême droite. Mais aussi pour des raisons stratégiques.

La "consultation" sur la laïcité et la place de l’islam voulue par l’UMP? Une machination, un piège à électeurs d’extrême droite, dénonce le PS. Aucune raison donc d’entrer dans un débat qui "alimente les peurs", comme l’a encore répété Martine Aubry ce week-end, alors que Marine Le Pen a fait un nouveau saut dans les sondages.

Au risque de laisser penser que ces questions -placées au centre de la sphère médiatique par la majorité- désintéressent les socialistes? Ou que le parti a moins d’idées à suggérer? Etrangement, la laïcité est ainsi absente des rubriques "Le PS propose" ou "les thèmes" du site Internet du parti. "Le PS ne cesse de débattre de ces questions! Il le fait depuis des décennies. Qui a inventé la laïcité? C’est Jean Jaurès, c’est Aristide Briand, c’est Ferdinand Buisson!" rétorque Jean Glavany, le "monsieur laïcité" du PS, contacté par leJDD.fr. "Des colloques, nous en faisons tous les ans, seulement ils sont moins médiatisés car nous ne courons pas après Marine Le Pen", ajoute le député qui a coordonné, le 14 décembre dernier, "Les Rencontres de la Laïcité" organisées à l’Assemblée nationale par le Groupe socialiste, radical et citoyen.

"Ne pas se laisser entraîner sur le terrain de l’adversaire"

Au programme de ces rencontres: les contestations d’enseignements scolaires, le refus de la mixité, les oppositions à des pratiques médicales, les constructions de lieux de cultes… Bref, des sujets proches de ceux que souhaite aborder le parti présidentiel. Pourquoi ne pas en débattre ouvertement alors? "Nous sommes disponibles pour débattre, mais avec des républicains de droite -des hommes comme Etienne Pinte, Hervé de Charrette, François Baroin-, mais pas Jean-François Copé et ceux qui courtisent l’extrême droite", assure le secrétaire national du PS à la laïcité.

Pour preuve que la gauche se penche de plus en plus sur le sujet, il rappelle que les socialistes viennent par exemple de proposer une mission d’information à l’Assemblée sur "les intégrismes religieux dans les écoles confessionnelles". Un "guide des bonnes pratiques" pour les élus locaux confrontés aux questions soulevées par le respect du principe de laïcité sur le terrain devrait aussi être publié par le PS d’ici la fin de l’année, en s’inspirant des pistes avancées par un récent ouvrage de la philosophe Dounia Bouzar*.

Mais si la gauche refuse de batailler frontalement, c’est aussi pour des raisons stratégiques, analyse Bruno Jeanbart, directeur des études politiques d'OpinionWay: " Le PS ne veut pas se laisser entraîner sur le terrain de l’adversaire. Les socialistes pensent que la thématique profite plus à la droite et à l’extrême droite et préfère donc l’affronter sur ses propres points forts, le social et l’emploi". Le PS n’a pas oublié la défaite de Lionel Jospin, battu en pleine campagne sécuritaire.

Reste aussi que certaines questions ne sont pas tranchées au sein même du PS, comme on a pu le voir lors du vote sur l’interdiction du niqab ou sur les prières dans la rue par exemple. "D’un côté, on trouve une gauche radicale qui a une vision stricte de la laïcité, de l’autre une gauche prête à adapter certains principes", poursuit Bruno Jeanbart. Pour le député-maire d’Evry Manuel Valls, par exemple, un changement des règles de financement pour la construction des mosquées, et une révision de la loi de 1905 "méritent au moins un débat de fond, même si au PS on considère parfois que durant les périodes électorales, certains sujets, comme la laïcité ou la sécurité, sont minés ", a-t-il expliqué au Monde . Avant d’avoir clarifié ses positions, le PS préfère donc, pour l’heure, ne pas entrer dans le débat.
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